Tentons de comprendre le mouvement agricole

31/01/2024

Tentons d’aller au delà du brouhaha médiatique et des communications opportunistes que l’on voit fleurir dans les media mainstream et sur les réseaux sociaux. Nous disons « tentons » car la problématique est vaste, très vaste, représentative de l’état de notre société.
S’il vous plaît, prenez le temps de lire, l’enjeu est très très important, pour chacun d’entre nous.

Qui sommes nous pour oser nous exprimer sur le sujet ?
Nous sommes une petite équipe de passionnés qui a fait le choix de proposer des produits issus de paysans pratiquant une agriculture durable, sur la base d’un cahier des charges précis.
Nous avons visité plus de 300 producteurs à travers la France et l’Europe.
Nous travaillons en Lien Direct Producteur et évitons le système concentrationnaire des méga grossistes qui alimentent les crèmeries fromageries françaises avec des produits souvent industriels issus de l’agriculture intensive.
Nous sommes nous-mêmes agriculteurs en Ardèche, à la ferme des Mille Bogues (châtaignes, fruits sauvages, ânes…) dont vous pouvez retrouver les produits dans nos boutiques. Nous tentons de redonner vie à une ferme qui n’était plus en activité depuis plusieurs dizaines d’années.

Le contexte
En 1945, 1 actif sur 3 travaillait dans le monde agricole
Aujourd’hui, 1 actif sur 22
100% des rivières sont polluées
L’utilisation des phytosanitaires a été multipliée par 100
La population urbaine a été multipliée par 4

Le dogme du PIB
Quel était l’objectif ? Pourquoi donc avoir déplacé les paysans des campagnes dans les villes ? Pourquoi ?
Là il convient de nous arrêter un instant, de prendre du recul et de considérer cet indicateur créé en 1932 par un américain et qui régit notre économie : le PIB.
Le PIB mesure la valeur de tous les biens et services produits dans un pays sur une année sans tenir compte des conséquences ni du stock disponible (impact environnemental, ressources alimentaires, santé publique…). Il conduit donc directement à identifier, contrôler et valoriser toute forme d’activité humaine.
La conséquence est directe et logique : il faut créer des consommateurs pour créer des mouvements financiers et valoriser toute forme de travail qui échappait jusqu’alors au contrôle de l’Etat. Le travail manuel des campagnes (et l’autonomie qu’il implique) était la cible n°1, il fallait absolument améliorer la productivité des paysans (avec des moyens matériels et chimiques, et les conséquences que l’on sait) et dans le même temps déplacer une grande partie de la population pour en faire des consommateurs dépendants.

Les revendications actuelles
Attention, prudence. Derrière le slogan « vivre de notre travail » (parfaitement justifié), il y a 2 visions de la société diamétralement opposées.
La FNSEA, fondée en 1946, majoritaire dans le monde agricole, a porté la mutation du modèle agricole français en jouant pleinement la carte des phytosanitaires, de la mécanisation et de la hausse des rendements. Elle a soutenu la création de la PAC. Aujourd’hui la FNSEA demande, selon un résumé du Figaro : une meilleure rémunération, le maintien de l’avantage fiscal sur le GNR , une simplification des normes environnementales, une meilleure considération, la fin des contrôles intempestifs, un meilleur accès à l’eau, pas d’interdiction des produits phytosanitaires sans alternative, tirs de prédation sur le loup, tirs d’effarouchement sur l’ours. De là à dire que la FNSEA est la voie du système et que sa cible prioritaire est l’écologie (diviser pour mieux régner), il n’y a qu’un pas et une question : faut-il aller encore plus loin que le contexte décrit initialement ? Pour tenter de gagner quelques années dans ce système peut-être, mais est-ce une bonne solution ?
La Confédération Paysanne, fondée en 1987, s’oppose à la FNSEA et assume un rapprochement avec Les Soulèvements de la Terre. Composée de paysans qui pratiquent une agriculture durable (avec ou sans label Bio), elle souhaite un changement de modèle, comme l’exprime la Confédération Paysanne d’Ardèche : un revenu agricole garanti, un accompagnement à la transition agroécologique, l‘arrêt de la libéralisation totale de l’agriculture et la fin des accords de libre échange pour les produits agricoles, un changement de la répartition des aides PAC pour favoriser l’emploi agricole et la nécessaire transition, des mécanismes de solidarité nationale et de TOUTE la filière agricole pour ne pas faire reposer les impacts du dérèglement climatique sur les seules épaules paysannes, l’arrêt de l’artificialisation des terre agricoles et la juste répartition des terres et de l’eau. Clairement, elle revendique une adaptation forte du système et un inversement du balancier qui favorise les petites structures et la belle agriculture.
La Coordination Rurale, fondée en 1992, proche des Gilets jaunes. Elle s’oppose à la FNSEA. En résumé elle dénonce l’industrialisation et les structures hyper-productives pour soutenir un modèle familial. Comme action symbolique pendant cette crise elle bloque ou tente de bloquer le marché de Rungis (rappel : L’Art de la Fromagerie travaille en Lien Direct Producteur, aucun fromage ne provient d’un grossiste). Elle revendique : la valorisation de l’emploi agricole, des exploitations nombreuses et diversifiées, la valorisation du rôle des paysans au coeur des territoires ruraux, l’accès facilité au foncier pour les futurs agriculteurs, favoriser les formes d’agricultures durables et biologiques, une gouvernance représentative du monde paysan comme interlocuteur de l’Etat (et pas la seule FNSEA).

La suite
Que peut-on espérer ? Que faut-il souhaiter ?
Tout d’abord, espérer que la crise n’est pas une manipulation gouvernementale destinée à faire passer des mesures que le gouvernement peine à faire passer par la voie classique (contre l’environnement et ses défenseurs en particulier).
Ensuite, partager cet article ou d’autres, échanger avec nos proches pour qu’un grand nombre d’entre nous comprenne que c’est d’un enjeu de société dont on parle : aller encore plus loin dans le système actuel ou changer de cap et favoriser les petites structures agricoles durables.
Enfin, renoncer aux produits issus d’une agriculture intensive (en supermarché ils sont l’immense majorité) et favoriser les produits issus d’une agriculture extensive et durable. L’Art de la Fromagerie ne peut pas vous nourrir à 100% mais nous pouvons vous garantir que 100% de nos produits sont issus d’une agriculture durable et de paysans qui méritent votre soutien.

Sylvain BASSET
L’Art de la Fromagerie

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